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Néolithique européen

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Cours 17 : L’habitat au Néolithique - II

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Néolithique européen

Cours 17 :L’habitat au Néolithique - II

L'habitat au Néolithique en France

 

Que savons nous aujourd’hui de l’habitat pendant le Néolithique en France ? Par grandes périodes et grandes régions.

Commençons donc par le Néolithique ancien et par la moitié sud de la France.

Dire que l’habitat du Néolithique ancien du Midi est mal connu est une gageure.
Pendant longtemps il n’a été identifié que dans des grottes et des abris sous roche :

Quelques exemples :

La grotte Lombard à Saint-Vallier de Thiey dans les Alpes Maritimes, probable petit campement de chasse dans l’arrière pays de la Côte d’Azur.

Ou L’abri Pendimoun, à Castellar, toujours dans les Alpes Maritimes qui a livré parmi les plus anciens vestiges de la colonisation néolithique en France.

La Baume de Fontbrégoua, une grande grotte largement ouverte par un grand porche, à Salernes dans le département du Var.

Le grand Abri de la Font des Pigeons à Châteauneuf-les-Martigues dans les Bouches-du-Rhône.

Mais aussi de nombreuses cavités des gorges de l’Ardèche et jusqu’en Roussillon avec les grottes Gazel que nous avons vu pour l’épicardial, et les abris Jean Cros et Dourgne, tellement petits qu’ils ont fait l’objet des premières monographies de sites néolithiques en France (il n’y avait en fait pas beaucoup de choses à étudier).

A partir des années 70, on a commencé à découvrir des sites de plein air. Mais ils sont encore peu nombreux et très peu ont été fouillés sur de grandes surfaces.

Ils étaient probablement souvent implantés sur les plaines littorales en Languedoc et ont sans doute été engloutis par l’exhaussement du niveau des mers, comme en témoigne celui de Leucate-Corrège dans l’Aude actuellement sous plusieurs mètres d’eau et découvert lors d’un dragage.

Les sites connus sont de surface réduite, d’environ 0,5 hectares, mais cela n’empêche pas qu’il y en ait eu de plus grands.

Une particularité des sites de la culture cardiale est qu’ils ont privilégié les sols légers, sablonneux, peut-être pour des questions de drainage.

Les structures d’habitations sont pour ainsi dire inconnues.

Je vous ai montré les célèbres structures du site du Baratin à Courthézon dans le Vaucluse. Il existe là des nappes de galets dont une interprétée comme une cabane fait 5 m de diamètre avec des trous de poteaux. Mais il s’agit peut-être d’autre chose (structure de combustion ?) et il existe aussi des structures marquées par une concentration de mobilier périphérique.

Ces structures évoquent donc des cabanes en matériau léger, bois et couverture végétale, peut-être renforcées d’argile dans certains cas, comme sur le site de Portiragnes dans l’Hérault, où une grosse nappe d’argile comblait un fond de cabane excavée du Néolithique ancien Impressa.

Les structures associées à ces sites montrent un habitat au moins semi-permanent plutôt que de simples campements temporaires ne serait ce que par la présence de fosses silos.

D’autres sites fouillés depuis, comme le site des Petites-Bâties à Lamotte-du-Rhône, toujours dans le Vaucluse rhodanien, permettra sans doute de compléter largement ces données une fois résolus un certain nombre de problèmes de datations.
En effet, ce site pourrait montrer la présence de structures d’habitation agglomérées (encore très discutées) mais aussi de systèmes de palissades et de fossés plus clairement attribués à une occupation cardiale, à côté des structures de combustion empierrées maintenant bien connues.

En France orientale et septentrionale, le Néolithique ancien est marquée par la colonisation danubienne et donc par une architecture que j’ai déjà évoquée très stéréotypée depuis l’Europe centrale, et que nous allons retrouver en France pour le Rubané et le Villeneuve Saint-Germain.

Je vous en rappelle les grands traits :

Une construction sur poteaux porteurs et murs de torchis avec un toit en matériau végétal, avec parfois des fosses latérales d’extraction de terre.

Une forme rectangulaire ou légèrement trapézoïdale

Des dimensions importantes de 10 à plusieurs dizaines de mètres et des largeurs assez constantes.

Des compositions standards à 5 rangées de poteaux dans le sens de la longueur, ménageant 4 nefs internes et une tripartition dans la longueur en espaces de dimensions et de destinations variables. La partie centrale est généralement considérée comme celle de l’habitat proprement dit et de réception. La partie arrière correspondrait à une partie plus intime ou à des entrepôts et des étables, alors que la partie avant serait constituée de greniers.

Et évidemment, quand même des évolutions et des particularités régionales pour gâcher ce beau modèle que certains voudraient universel.

Les fouilles ont livré de très grandes agglomérations qui ont depuis été souvent réinterprétées.
Il s’agirait le plus souvent de hameaux voire de fermes isolées reconstruites au même emplacement sur X générations.

Sur le site de Cuiry les Chaudardes, une trentaine de maisons construites en rangées parallèles sur au moins 6 hectares se succèdent en réalité probablement pendant environ 200 ans par groupes de 4 ou 5 maisons assez éloignées les unes des autres.
Des groupements en bandes le long d’une rivière pourraient correspondre selon certains à des lignées familiales.

On évalue les regroupements de maisons synchrones à des populations réduites de 50 à 100 personnes. Les cellules des maisons auraient ainsi compté deux à trois unités familiales.

Une autre particularité de ces maisons est qu’elles sont assez systématiquement orientées en fonction du vent dominant.

Le modèle initial, comme je le disais, connaît, avec le temps, des adaptations.
Les plus évidentes concernent la réduction des maisons peut-être vers un recentrage autour d’une seule famille. Les maisons récentes raccourcissent effectivement à Cuiry alors que la partie avant disparaît parfois. En même temps, les plans sont plus souvent trapézoïdaux avec le petit côté au vent. Les toitures sont dans le même temps abaissées.

Vous avez ici quelques illustrations correspondant à des évolutions pour le groupe de Villeneuve Saint Germain, en Haute Normandie sur le site de Poses.

Voyons maintenant le Néolithique moyen dans la moitié sud de la France

Dans le Midi on connaît enfin de vrais villages sédentaires à partir du Néolithique moyen.

Certains sont très importants comme celui de Saint Michel du Touch, du côté de Toulouse, occupé pendant probablement un millénaire. Sur ce site on estime la population entre 500 et 2500 personnes selon les périodes de l’occupation.

Par le jeu des reconstructions successives, ces villages peuvent atteindre actuellement sous la forme de sites des surfaces étonnantes  55 hectares pour Pont de Salles, 88 pour la Farguette, mais les sites de 2 à 15 hectares sont les plus courants.

C’est le moment de la construction de très vastes aménagements collectifs comme les grandes enceintes fossoyées et palissadées renfermant souvent plusieurs hectares.
La nature de ces sites est encore âprement discutée, habitat oui mais peut-être pas seulement, lieu de rassemblements, de culte, de marché…

Dans la moyenne vallée du Rhône, on reconnaît la complémentarité entre ces grands habitats de plaine ou de terrasse et tout un tas de sites beaucoup plus modestes implantés dans les confins et les marges des grandes voies de circulations, vallées et plaines, il s’agit alors de sites perchés, de grottes-bergeries,…

Les habitations semblent d’emblée diversifiées : maisons rectangulaires à trapézoïdales sur poteaux à la Ponchonnière dans les Alpes de Haute Provence,

maisons en pierre sèche à Teyran dans l’Hérault mais il faut surtout avouer que les traces des habitations demeurent très rares et encore très discutées.

Le Néolithique moyen dans l’ouest et la moitié nord de la France

Le Néolithique moyen est le moment des grandes expansions territoriales des grandes cultures (Chasséen, Michelsberg…).

C’est le moment où on commence à marquer nettement le territoire.
Ce qui va caractériser la période est donc le développement massif des sites à enceintes de palissades, de murs ou de fossés, et des éperons barrés, particulièrement dans la moitié nord de la France.

Ainsi A Mairy dans les Ardennes, le site Michelsberg des Hautes Chanvières s’étend sur une trentaine d’hectares, dans une ancienne boucle de la Meuse, et comporte une vingtaine de maisons issues de la tradition du Néolithique ancien sur poteaux de bois. Il s’agit de grandes maisons de 20 à 45 m de long pour 7 à 10 m de large, l’une d’elle atteignant 60 m par 13.
Des palissades parallèles à la rivière renferment le village.

Le site du Haut de Nachères à Noyen sur Seine présente un retranchement avec un système de fossé interrompu et de palissades sur 350 m de longueur qui renferme un espace de près de 8 hectares.

Mais en même temps on assiste à des évolutions et des transformations de l’habitation.

Comme sur le site du Mont d’Huette dans l’Oise qui est un camp délimité par 80 m de fossés doublés de palissades et renfermant un habitat sur 5 hectares et demi. L’occupation du Cerny évolué montre une construction  en pierre sèche toute petite de 4 m sur 3.

A côté des maisons rectangulaires on connait aussi des maisons rondes sur poteaux de bois qui ont été attribuées généralement au Néolithique moyen et peut-être au Cerny, dans le bassin parisien au sens large.

Pour le Néolithique moyen bourguignon on connaît surtout des camps fortifiés bâtis sur les hauteurs. Les fortifications sont des levées de terres ou de pierres parfois même doubles et parfois parementées.

Des habitations flanquent ces fortifications, tantôt à l’intérieur, tantôt à l’extérieur.
Vous en avez des exemples non loin de Dijon au Châtelet d’Etaules et au Camp de Myard à Vitteaux.

Dans l’Ouest, les sites à enceintes sont particulièrement nombreux et les systèmes de fortification peuvent être complexes et impressionnants.

Les maisons tendent à cette époque à devenir plus individuelles et plus petites (mais attention c’est une généralité et il existe des exceptions. Les systèmes de fermes et d’entrains simplifient la construction.

Les habitations des villages littoraux des lacs du Jura sont maintenant bien connues pour le Néo moyen.

Les constructions sont défendues généralement par une palissade du côté de la terre ferme.
Elles sont adaptées aux contraintes du milieu humide avec des pilotis et des planchers rehaussés.
Vers 3700-3600 à la Motte aux Magnins on a sur un groupe de 12 maisons en 3 rangées sur le bout d’une île. Ces maisons sont rectangulaires avec une rangée centrale de poteaux porteurs et deux doubles rangs de pieux de parois. Les dimensions sont de l’ordre de 6 à 8 m sur 3,5 à 5 m. et les surfaces ne sont donc plus que de 25 à 40 m2.

D’une manière générale, on observe que la disposition des maisons est variable selon les cultures et les régions mais très rigide au sens du respect du plan établi et parallèlement ce n’est plus le sens du vent qui oriente les constructions mais des choix culturels.

Le Néolithique final dans la moitié sud de la France

La fin du Néolithique, comme vous le savez maintenant, est marquée principalement par une réduction des territoires recomposés autour de très nombreux petits sites, dont quelques uns composent des cultures souvent micro-régionales. En même temps, le mouvement amorcé à la période précédente de prise en main des territoires les plus reculés, des confins, arrive à son maximum.

On pense généralement que les sites sont composés de quelques maisons correspondant à quelques familles élargies, les surfaces des sites sont très variables et avec des implantations très différentes topographiquement et des installations de divers types, correspondant sans doute à un système hiérarchique avec des sites principaux et des sites secondaires ou spécialisés arrivant rapidement à un maillage serré des territoires.

Vers 2750, le village des Baigneurs à Charavines dans l’Isère compte environ 6 maisons implantées sur un petit promontoire. Elles sont enfermées dans une enceinte palissadées d’environ 1500 m2. Les maisons à 3 nefs égales, font 10 à 15 m de long pour 3 à 4 de large. Les datations dendro montrent que le village est construit en 3 ans et qu’il est reconstruit au bout de 9 ans puis il dure encore 10 ans avant d’être abandonné 40 ans suite à une inondation et sera reconstruit par une nouvelle génération d’habitant.

En Languedoc pendant ce temps là dans la même période à partir de 2800, nous avons le groupe de Fontbouisse.

Ce groupe montre des architectures très intéressantes et tout d’abord une partition architecturale très nette entre les plaines de Nîmes et Montpellier et la région des garrigues située immédiatement au nord, région de collines donc.

L’habitat fontbouisse des guarrigues est maintenant bien connu par une série de sites fouillés pendant un demi-siècle. Il s’agit d’un habitat à base de murs en pierre sèche, construits à double parement avec bourrage interne. Les modules des habitats sont variables de 7 à 24 m de longueur pour 3 à 7 de largeur. Les maisons présentent des plans rectangulaires à absides, ou ovalaires, les portes sont limitées par des dalles verticales. Les toitures devaient être en matériau végétal.
Certaines de ces maisons sont construites sur une entrée d’aven, faisant office de cave.

Les plus connus se trouvent au nord de Montpellier, il s’agit de Cambous, Boussargues, et du Lébous.
Mais il y en a bien d’autres.

Le site de Boussargues présente la particularité d’être enfermé dans une enceinte un mur en pierre flanqué de rotondes, sortes de bories rondes que l’on suppose couvertes en encorbellement.

Dans la plaine, les architectures de pierre sont absentes, sans doute faute de pierres justement. On y trouve depuis une vingtaine d’année et grâce à l’archéologie préventive, des sites de très grandes surfaces, des hectares à des dizaines d’hectares. Ces sites ne sont cependant conservés que sous la forme de structures excavées : des fosses et des fossés dessinant souvent des tracés très complexes.

Les habitations elles-mêmes ne sont pas connues. Mais l’arrivée dans les équipes de fouilles de personnes connaissant l’architecture de terre, a d’emblée permis de reconnaître des traces modestes mais bien présentes d’architectures de terre crue et cela sous de forme : des murs de terre massive et de probables murs de briques de terre crue.

En Languedoc central et occidental, il faut encore signaler la présence d’un habitat de sommet de petites collines composé de grandes maisons sur poteaux porteurs et renfermées dans des enceintes plus ou moins importantes généralement fossoyées comme c’est le cas dans la vallée de l’Aude avec le site du Mourral Millegrand ou au nord de Béziers avec le site du Puech-Haut.

Enfin, le Campaniforme présente un habitat différent selon les secteurs. J’ai évoqué déjà le perchement absolu et la faible surface des sites correspondant aux premières arrivées campaniformes.

On peut rapprocher l’architecture de ces sites, particulièrement celui des Calades à Orgon dans les Bouches-du-Rhône, petites cabanes de formes ovalaire avec un muret périphérique, de découvertes similaires particulièrement au Portugal comme ici à la périphérie du grand site fortifié du Néolithique final de Leceia.

Les habitats du Campaniforme récent montrent la survivance de cette architecture en Provence alors que le Languedoc voit des structures composées de grands empierrements de formes ovales devant supporter une structure légère et que la vallée du Rhône voit plutôt des constructions sur poteaux porteurs.

Finalement c’est avec le début du Bronze ancien, dans le contexte des céramique à décor barbelé dites épicampaniformes que l’on voit se développer dans le Midi de réelles fortifications comme celle du Camp de Laure au Rove dans les Bouches-du-Rhône. Mais nous sommes déjà là dans un autre monde.

Le Néolithique final dans l’ouest et la moitié nord de la France

Le nord de la France manque encore actuellement cruellement de données pour la fin du Néolithique, et pas seulement pour l’habitat.
 
Mais les fouilles de ces dernières années montrent que le nord présente sans doute une situation assez comparable à celle de la façade atlantique, c'est-à-dire le redéveloppement de très grandes constructions que l’on dit monumentales.

Très nombreuses dans l’ouest comme ici avec l’exemple de Douchapt en Dordogne appartenant à l’Artenacien.

Mais donc aussi dans le nord, ici la vallée de la Deule, avec le site du marais de Santes qui présente un bâtiment monumental de 44 m de long inscrit dans une palissade.

En fait dans l’Ouest et maintenant le nord, la fin du Néolithique est parsemée de ces bâtiments monumentaux, comme vous pouvez le voir sur cette carte qui a déjà quelques années.

Certaines comme à Pléchatel sont de véritables maisons-couloirs de 11 m de large pour plus de 100 m de long.

A part ces cas très particulier, le reste de la documentation provient essentiellement des villages littoraux des lacs du Jura.

Les données pour les villages de la fin du Néolithique y sont très nombreuses.
Elles ne changent pas beaucoup par rapport aux périodes précédentes mais on observe l’acquisition d’une grande maitrise dans le travail du bois avec l’apparition de sablières basses pour assurer la cohésion des constructions, ainsi que des semelles de pieux percées.
 
Au cours du Néolithique on observe sur les sites littoraux des lacs alpins, une autre évolution qui correspond aussi à des traditions méridionales et septentrionales :

Comme vous pouvez le voir, vous avez une tradition méridionale et ancienne d’organiser les maisons perpendiculairement à la rive du lac, c'est-à-dire avec des ouvertures vers la berge et vers le lac. Avec le temps, une autre tradition d’origine septentrionale s’impose, celle des maisons parallèles au rivage dans lesquelles la vue devait se limiter à la façade de son voisin.

Voilà, je crois pour un petit panorama de l’habitat néolithique en France.
Evidemment, la variété auraient été plus grande si j’avais pris en compte la totalité de l’Europe.

Bibliographie sur l’habitat

COUDART A. (1998) – Architecture et Société néolithique. L'unité et la variance de la maison danubienne, Paris : MSH, 1998, 239 p. (DAF, 67).

GUILAINE J. (Dir.) (2001) – Communautés villageoises du Proche-Orient à l'Atlantique (8000-2000 avant notre ère) Séminaire du Collège de France, Paris : Errance, 2001, 280 p.

BRAEMER F., CLEUZIOU S., COUDART A. (Dir.) (1999) – Habitat et société, XIXe Rencontres Internationales d’Archéologie et d’Histoire d’Antibes, Antibes 1998, Editions APDCA, 1999, 548 p.

GUILAINE J., VAQUER J. (Dir.) (1995) – L’habitat néolithique et protohistorique dans le sud de la France, séminaires du Centre d’Anthropologie, Toulouse, EHESS, 1995, 75 p.

 

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